« Quelles sont en dernière analyse les vérité de l'homme? Ce sont ses erreurs irréfutables.»[1]

J'aime bien Popper. Pour lui, il n'y a de science que réfutable. On sent déjà qu'il y a quelque chose de contre-intuitif dans cette affirmation.

Il n'y a de théorie scientifique recevable comme telle que susceptible d'être récusée par des tests de « falsification ». La science progresse par conjectures et réfutations[2]. Certaines théories qui se posent comme scientifiques se voient dénier ce caractère de scientificité par le seul fait qu'il est impossible de concevoir un test qui permette de « falsifier » les thèses qu'elles avancent.

Popper, qui les a un moment pratiqués, cite comme exemples le marxisme et ... la psychanalyse. Ce n'est pas parce que, comme certains l'affirment[3], Freud a « bidonné » les cas cliniques qu'il a rapporté, mais parce que ces théories ont en commun de disposer de la capacité d'expliquer tout et son contraire. Leurs thèses sont donc irréfutables. L'astrologie a ces mêmes caractéristiques mais elle ne se prétend pas scientifique.

On pourrait discuter de la scientificité de certaines théories actuelles avec ces mêmes critères. N'entrons pas dans la polémique.

Sachant qu'il n'y a de science que réfutable, la vérité scientifique n'est que provisoire. Pendant plus de deux siècles la théorie de Newton a été la seule référence en astronomie. Au début du XXème, en réponse aux impasses dans laquelle se trouvait alors la physique, Einstein propose la théorie de la relativité qui remplace la notion de force par le concept de courbure de l’espace-temps. La théorie d'Einstein résiste au test d'Eddington. La théorie de Newton comme vérité scientifique ultime, a vécu.

« Tout en devant expliquer ce que l'ancienne théorie expliquait », une nouvelle théorie, nous dit Popper, « doit la corriger ; si bien qu'en réalité elle contredit l'ancienne théorie : elle contient l'ancienne théorie, mais sous forme d'une approximation seulement »[4].

Il n'y a donc pas de vérité scientifique absolue. Il reste toujours possible, à un moment ou un autre, de formuler de nouvelles hypothèses et de générer sur cette base de nouveaux algorithmes et de nouveaux tests révélant sous quel angle elle est fausse, définitivement fausse. Car, si la vérité scientifique est toujours incomplète et provisoire, lorsqu'une proposition est fausse, elle est définitivement fausse. Si la vérité scientifique est incertaine, sa fausseté peut être prouvée avec une absolue certitude. Il y a dissymétrie entre le vrai et le faux.

En somme, il n'y a que le faux qui est vrai, définitivement vrai.

Ainsi, grâce à Popper, à notre grand soulagement, nous savons que la vérité existe, ... même en science.

Post-scriptum : pour sortir de ce paradoxe apparent et respecter la pensée de Popper il suffit de remplacer le mot « vrai » par le mot « certain ». La phrase devient : « il n’y a que le faux qui est certain ». Ceci montre, n’en déplaise à Descartes, que la vérité n’est pas du même ordre que la certitude. Corollaire : l’ontologique n’est pas du même ordre que l’épistémique, n’en déplaise à Spinoza. Mais ceci est un autre débat.

Jean-Claude Marot, août 2013

[1] Friedrich Nietzsche « Le gai savoir »

[2] Karl R. Popper, « Conjectures et réfutations : La croissance du savoir scientifique »

[3] Mikkel Borch-Jacobsen « Les patients de Freud »

[4] Karl R. Popper, « La connaissance objective »

Le paradoxe de Popper

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